Rechercher dans ce blog

lundi 26 avril 2010

ORIGINE DES AKAN

elon E. Meyerowitz, les fondateurs des états akan furent des descendants des Dia ou Za, des Berbères de Libye et des Gara, qui étaient installés dans la région du Tibesti . Aux alentours du XI ème siècle, ils auraient émigré vers le Sud, sous la poussée des Touareg, eux-mêmes repoussés par les Arabes lors de la conquête de l'Afrique du Nord. Ces premiers ancêtres se fixèrent tout d'abord dans la boucle du Niger, où ils firent souche et se mêlèrent aux autochtones nègres. Or après l'islamisation des Berbères, le premier noyau du groupe akan dut, une nouvelle fois s'exiler encore plus au Sud, parmi les Grusi.

Pour Baumann et Westermann, la civilisation de ces peuples leur a été imposée par des groupes d'une race dominante à matriarcat venus du Nord qui ont conquis cette partie de la côte; Ces conquérants étaient visiblement apparentés, en premiers ligne, aux dynasties à matriarcat des grands états soudanais, et en seconde ligne, aux Libyco-Berbères (à matriarcat) de l'Afrique du Nord.

Notons en passant que Meyerowitz et Baumann ne donnent pas les raisons qui les font dire que les Akan descendent des Berbères Dia et Za.
Pour J. Ki-Zerbo : "Vers l'an 500, dit une autre légende, des princes Berbères ou des Arabes ou Yémen seraient arrivés sur les bords de la boucle du Niger et ils auraient débarrassé les riverains (pêcheurs Sorko et paysans Gabibi) de la terreur d'un poisson-fétiche, dont les pêcheurs Sorko se servaient pour extorquer de substantielles offrandes à leurs compatriotes cultivateurs, les Gabibi. Ces clans semblent être remontés du Dendi en aval du Niger, où ils avaient baptisé les deux rives ouest et est, respectivement le Gourma et le Haoussa; ils seraient parts originellement des parages du Tchad... Vu la minceur de cet apport extérieur, trois personnages selon la légende du Yémen, quelques groupes de commerçants, d'après Al-Bakri, durent être assimilés rapidement par les Songhaï".

L'opinion de Meyerowitz et de Baumann repose sur le fait que des populations d'origine berbère, connaissant le matriarcat, seraient descendues au Sud; Et comme les Akan connaissent un régime parenté à peu près similaire, ces auteurs n'ont pas, un seul instant, manqué d'affirmer que ces purs nègres étaient des descendants des Berbères. Cette conclusion est discutable dans la mesure qu'elle ne porte d'une part que sur un seul fait, et d'autre part la matrilinéarité n'est pas le régime de parenté des seuls Akan; En effet, hors de la région forestière, des populations de la savane ivoirienne (Djimini, Tagwana, Koulango et Lobi)connaissent ce système de filiation. Plus loin en Afrique Centrale, la grande famille des Bacongo (Bantou) est également matrilinéaire, ainsi que des groupements humains moins importants.

L'histoire et la sociologie apprennent que si des populations animistes changent facilement de religion, d'habitudes de vie et de nom, il n'en est pas de même des communautés chrétiennes et musulmanes. Nulle part en Afrique de l'Ouest on ne signale la présence de populations islamisées de longue date (Berbères, Touaregs et Maures) retournées purement et simplement à l'animisme. Les populations d'origine peule intégrées aux communautés nègres de Mauritanie, du Sénégal, du Mali, de la Guinée, du Niger et du Burkina Faso ont conservé leur langue, leurs noms et leur religion. Le twi, langue des Akan, est différent des langues sémitiques de l'Afrique du Nord; La grande majorité des populations akan et leurs chefs restent encore animistes.

Ces faits que nous mentionnons sont, historiquement, récents; Nous pensons que le peuple akan, jusqu'à preuve du contraire, n'est le produit d'aucun métissage de race, à l'opposé des peuls, des Touaregs et des Maures

L'opinion des Akan, quant à leur origine, reste différente des versions mentionnées plus haut; leur tradition orale ne mentionne nulle part que ce peuple descend des populations de race blanche; Ils reconnaissent cependant que leurs ancêtres venaient du nord, d'une région ou d'un pays appelé Agniwan-gniwan. De nombreuses localités portent ce nom tant au Ghana qu'en Côte-d'Ivoire, pour certains, ce terme désignerait un village abandonné après la défait des Dinkyra face aux Ashanti . D'autres estiment que si ces localités portent ce nom, c'est en souvenir du pays d'origine situé plus loin dans le temps et dans l'espace. Les Akan reconnaissent avoir connu de nombreux déplacements en Afrique de l'Ouest, déplacements dus aux guerres de domination que leurs différentes ethnies se livrèrent tout au long de leur histoire et reconnaissent également avoir eu de nombreux rapports avec leurs voisins immédiats : Gonja, Mamprusi et Dagomba au nord, Krou et Dan à l'ouest, Ewé et Ga au sud.

Un fait demeure certain : les ancêtres de cette population ont vécu au Sahara; C'est de cette région qu'ils vinrent en région de savane et de forêt.
On ignore à quel moment les premiers Akan s'installèrent dans le golfe de Guinée; Mais nous savons de façon certaine que les chercheurs miniers de la SODEMI d'Abidjan ont mis à un jour, dans les régions lagunaires de la Côte-d'Ivoire, des restes humains non pygmoïdes associés à des objets d'art en or d'origine akan . Ces éléments archéologiques furent envoyés en Suède, à Upsala, pour être datés; le carbone 14 révéla que certains éléments humains étaient vieux de plusieurs siècles avant notre ère (-1.200) . Il est clair que, avant le Christ, des ethnies akan existaient en Côte-d'Ivoire.

Situation du pays d'origine
Les Abouré, les Essouma, les Indénié, les Morofwè, les Nzima et les Sanwi se souviennent encore que leurs ancêtres viennent d'un pays appelé Agniwan-gniwan; Ils situent ce pays au nord du Ghana et de la Côte-d'Ivoire. Dans ces conditions, leur pays d'origine serait dans une région plus septentrionale.

Nature du pays d'origine

Le terme Agniwan-gniwan, étymologiquement, signifie sable-sable, sable à perte de vue. Nous avons pensé que ce nom ne pouvait désigner que le chemin du bord de la mer emprunté par quelques clans pour se rendre du Ghana en Côte-d'Ivoire; finalement, il ne peut pas s'agir du chemin sablonneux du littoral marin car la côte atlantique ne se trouve pas au nord du pays Abouré, du pays Agni et du pays Nzima; il se trouve au Sud. Les Nzima ont longtemps séjourné chez les Brong (centre-ouest du Ghana) avant de descendre sur la côte . Le terme Agniwan-gniwan nous incite à croire que le pays d'origine des Akan est un pays sablonneux se trouvant au nord du Ghana et de la Côte-d'Ivoire .

éléments culturels
Les peuples de civilisation akan ont dans leur dja (paquet contenant le trésor du royaume et des poids à peser l'or) de petites figurines en bronze communément appelées poids à peser l'or . Certaines figurines comportent des signes graphiques identiques aux lettres de l'alphabet tifinar, libyque et saharien; Les signes akan sont également identiques aux marques que les populations Daza et Azza du Niger, du Tchad et de la Libye utilisent pour marquer leur bétail. Au Niger et au Tchad, ces signes sont des marques de familles et de clans.
Tous ces signes, ces marques et ces lettres d'alphabet ne se rencontrent que dans des pays situés au nord du pays akan, dans des régions se trouvant au coeur du Sahara et comportant de très grandes étendues de sable; Ces faits méritent d'être mentionné car ils sont très importants dans l'histoire du pays akan.

Dans les régions forestières du golfe de Guinée, les Akan restent les seuls à détenir ces précieux éléments culturels. La tradition orale des Akan ivoiriens les fait venir du Ghana; Les recherches écologiques, linguistiques et historiques entreprises au niveau des universités, de part et d'autre des deux pays, montrent que les ancêtres des Akan, avant de se rendre dans la partie Ghanéenne à la recherche de terres forestières plus fertiles, étaient installés dans le V Baoulé, en région de savane. L'histoire dit qu'avant d'aller fonder Kokofu, Bekwai, Juaben et Nsuta au Ghana, les ancêtres du clan royal Oyoko de Kumassi venaient d'un royaume nommé Kumbu (Comoé), situé entre le Comoé et le Bandama; cette région se trouve présentement en Côte-d'Ivoire; Les linguistiques nous apprennent également que le twi parlé par les Akan ivoiriens est plus archaïque que celui parlé au Ghana.

Des régions sahariennes ou sahéliennes, les ancêtres des Akan étaient venus s'établir à l'emplacement de l'actuel V Baoulé; Ainsi, une importante fraction est partie au Ghana, en région de forêt, à la recherche de terres plus fertiles, là-bas, les guerres intestines obligèrent certains clans à faire marche arrière.

Sources et Documentations : I.L.A - Institut de linguistique appliquée

organisation socio-politique des krou et mande

1 - LE PEUPLEMENT ET LE CONTENU ETHNIQUE DE LA RÉGION

La Région Semi-Montagneuse de l'Ouest est occupée par trois grandes aires ethnoculturelles, les Krou, les Dan et les Mahou, dont les limites épousent grossièrement une première ligne allant de Toulepleu à Facobly, et une seconde le long de la rivière Bafing.

Ces trois aires ethnoculturelles se repartissent comme suit

- au Sud de la première ligne s'étend l'aire Krou

- entre la première ligne et le Bafing, l'aire Dan

- et au Nord du Bafing l'aire Mahou.

Les Krou sont établis sur les plateaux.Ils se composent principalement de Wè et aussi de Kouzié et de Oubi rattachés aux Bakwé et installés en petits noyaux à l'extrême Sud de la Région.

1.1- Les Wè (Guéré et Wobé)

Les Wè comptent deux sous-groupes

1/ les Wobé qui sont établis à Facobly et à Kouibly et qui forment une fédération de 14 tribus ;

2/ les Guéré plus nombreux et qui sont répartis entre 38 tribus dans les départements de Bangolo, Duékoué, Guiglo et Toulepleu.

En réalité les Wobé et les Guère forment une seule entité.C'est l'administration coloniale qui sur la base d'un malentendu à la fois géographique et linguistique a différencié deux ethnies.

1.2- Les Mandé (Dan, Wen et Mahou)

Les Mandé se subdivisent en deux grandes familles : les Mandé du Sud ou Mandé-Fu et les Mandé du Nord ou Mandé-Tan.

Les Mandé-Fu occupent les Sous-préfectures de Man, Danané, Bin-Houyé, Sangouiné, Logoualé et Zouan Hounien. Ils se composent essentiellement de Dan et de Wen.

Les Dan appelés à tort Yacouba comprennent deux sous-ensembles

1/ Les Danmenou installés au Nord dans les massifs des Dan et de Man.

2/ Les Boutyouleumenou au Sud sur les hauts plateaux.

Les traditions orales concordent pour situer l'origine des Dan dans le grand Nord c'est-à-dire dans le Manding d'où ils seraient venus jusque dans cette région montagneuse en transitant par le Kabadougou, la Haute Guinée et le Mahou.

De nombreuses guerres ont émaillé les pérégrinations du peuple Dan. Elles en ont fait une société «Guerrière» fortement hiérarchisée marquée par le goût du risque et de la bravoure.

Les Wen, étroitement apparentés aux Dan sont connus sous le nom Malinké de Toura. Installés de part et d'autre du Bafing, ils ont été également rejetés du Mahou à partir du 16ème siècle. Ils ont depuis lors reçu une forte influence culturelle de leurs parents de l'Ouest, les Manon du Mont Nimba. Aujourd'hui ils se localisent principalement dans le département de Biankouma où ils forment 8 tribus.

1.3- Les Mahou

Les Mandé-Tan ou Mandé du Nord sont des Soudanais typiques liés aux grands empires médiévaux de la Vallée du Niger. Ce sont donc des Manding ou des Malinké dont le sous-groupe Mahou occupe principalement le département de Touba et les principales villes de la région (Man, Duékoué, Guiglo ...)

Venus de Beyla en Guinée au 16è siècle, les Mahou sont issus du clan des Dyomandé, mais ils parlent un dialecte particulier différent de celui de la région d'origine. Ils ont assimilé et réduit les Dan à l'état d'îlots dans leur pays. Guerriers entreprenants, ils ont imposé leur présence à certains villages Yacouba et en ont même pris le commandement (canton Sipilou, canton Gan, canton Santa...).

1.4- L'influence du relief sur le peuplement

Le relief est l'élément qui a le plus influencé le peuplement de cette région.

Nettement délimitée par des frontières naturelles assez difficiles à franchir jusqu'à une date récente (Mont Nimba, rivière Bafing, fleuves Cavally et Sassandra), la région de l'Ouest a constitué de tout temps un refuge. Elle se présente comme une zone massive d'altitude généralement élevée et constituée d'une succession de dômes, parfois nus, séparés par des vallées profondes.

L'ensemble des massifs se dressent comme une muraille de 250 à 300 m d'altitude. Les dômes, encapuchonnés d'un manteau forestier ou intégralement découverts au sommet, laissent la place par endroits -à des formes beaucoup plus agressives où l'on reconnaît de véritables pics plus ou moins déchiquetés telle la dent de Man qui atteint 881 mètres.

Un réseau hydrographique dense draine toute cette région et entraîne les eaux de ruissellement vers le Cavally ou vers le Sassandra par l'intermédiaire du Bafing au Nord, du Kouin à l'Est et du N'zo, grossi du Ko, au Sud.

Il est logique qu'un tel relief, si particulier, ait servi de refuge à certains peuples. Les Yacouba, installés sur les montagnes, contrôlaient les vallées qui servaient de voies de communication au commerce pré-colonial Nord-Sud animé par les Malinké.

La qualité stratégique des sites a dû faire de cette région l'objet de nombreuses convoitises et n'est certainement pas étrangère à la mise en place du peuplement dense qu'elle connaît.

2 - L'ORGANISATION SOCIO-POLITIQUE TRADITIONNELLE

Tous les peuples habitant la région sont organisés en lignages patrilinéaires ou clans. Le clan est constitué par l'ensemble, des -individus appartenant en ligne agnatique à un même groupe de descendance par référence à un ancêtre connu ou mythique. Le clan s'identifie à un nom.

Autrefois, chaque clan se suffisait à lui-même et vivait sur lui-même au milieu d'un terrain assez mal délimité, sorte « d'espace vital » biologique, qu'il s'était créé soit par droit de conquête, soit après négociation avec un précédent occupant.

Aujourd'hui, il est rare, à travers les vicissitudes des luttes tribales et de l'occupation coloniale, de trouver un clan qui ait pu conserver son intégrité physique. Aussi les individus appartenant au même clan se retrouvent-ils souvent éparpillés dans une série de villages alliés.

Le clan forme un hameau ou un quartier qui peut éclater sous l'effet de la croissance des lignages. Il oblige le plus souvent mais non obligatoirement, à l'observation d'interdits alimentaires ou de comportements qui servent de signes distinctifs et de reconnaissance entre les membres des lignages répartis entre des villages différents.

L'accroissement de la taille des lignages et les querelles intestines liées aux rivalités entre frères ou demi-frères ont entraîné le fractionnement des lignages en unités plus petites. On a donc affaire à un fourmillement de lignages autonomes notamment chez les Yacouba, les Wè et les Toura.

Plusieurs clans se réclamant d'un ancêtre commun forment un groupe ou tribu. Le groupe se caractérise également par le respect d'interdits alimentaires et possède un ou plusieurs masques qui contribuent à le différencier.

L'organisation sociale des populations Wè, Dan et Toura tout en ignorant l'existence de chefferies véritables reste toutefois fortement structurée. De la base au sommet de l'a pyramide, on rencontre successivement les clans, les tribus, les fédérations d'alliance et les confédérations guerrières.

Les familles faisaient la guerre non seulement aux étrangers, ennemis traditionnels, mais souvent à leurs propres voisins. Ces guerres étaient soumises à un code assez rigoureux. Elles se répétaient quasiment chaque année. Ces conflits périodiques avaient contribué d'une part à renforcer la cohésion des groupes et d'autre part à rechercher des alliances extérieures. On s'assurait de l'aide des voisins pour résister aux envahisseurs ou pour s'imposer aux autres. S'étaient donc ainsi constitués des groupements de guerre souvent sur la base des liens de sang et de mariages.

L'alliance conclue entre deux clans parents ou non formait la fédération d'alliance. Cette fédération pouvait- se transformer en groupement de guerre lorsque les clans alliés devenaient suffisamment étoffés au niveau démographique pour assurer seuls leur défense.

Plusieurs groupements de guerre formaient la confédération guerrière. Ce groupement se définissait par l'existence d'un territoire parfaitement délimité à l'intérieur duquel l'individu circulait librement et en sécurité.

Dans les sociétés traditionnelles Dan et Wè, le village n'a jamais réellement existé en tant que groupement organique. D'une façon générale, il est toujours confondu avec la ou les communautés claniques qui le constituent. Le regroupement humain est une réalité plutôt sociale que territoriale, l'accent étant nus davantage sur l'aspect familial et lignager que sur le caractère géographique et territorial. C'est ce qui explique le foisonnement particulier des « villages » et les difficultés énormes auxquelles se heurtèrent les administrations coloniales et post-coloniales dans leurs tentatives de regroupement des populations.

A l'origine de l'histoire, souvent mythique de chaque clan, il y a un village, berceau du clan. C'est dans ce village que chaque membre vit, puis transmet à ses héritiers, la charge qu'il remplit au sein du village. La démultiplication des villages vient de l'accroissement des populations et des heurts entre parents qui provoquent l'éclatement des villages originels. De là, les familles, sans pour cela renier les clans, vont fonder d'autres villages liés aux premiers.

Compte tenu de l'état de guerre quasi permanent dans lequel vivait chaque village, le choix du site était fonction des -possibilités stratégiques qu'offrait l'emplacement. Les premiers villages furent tous édifiés sur les hauteurs, difficiles d'accès niais faciles à défendre. Les guerriers les plus valeureux établissaient leurs campements en postes avancés sur la périphérie. Leur mission était de prémunir le groupe contre toute attaque surprise. La distance entre les villages était telle qu'à tout moment, le tam-tam pouvait donner l'alerte et mobiliser les guerriers quasi-instantanément.

Les villages constituent l'unité politique de base et leur gestion est démocratique, fondée sur le principe de l'égalité des lignages. L'ensemble des chefs de lignages réunis autour du chef fondateur constitue le Gouvernement du village.

Ainsi les sociétés Dan, Wè et Toura sont des sociétés foncièrement égalitaires, démocratiques, sans État. Elles ne possédaient pratiquement pas d'esclaves, les prisonniers étant intégrés ou vendus aux Malinké.

L'organisation sociale des Mahou n'est guère différente de celle des Dan et des Wè. En effet les Mahou, comme tous les Manding sont organisés en gros lignages patrilinéaires unis par des mariages patrilocaux et polygamiques. Ces lignages se regroupent en clans (dyamou) dispersés dans l'espace. Plusieurs clans forment un village (dougou) et plusieurs villages un dyamana nom que les Français ont traduit par canton. Les « dyamana » sont souvent regroupés en royaumes stables ou en hégémonies éphémères sous le commandement d'un Fama. A l'inverse des sociétés Dan et Wè, la société Malinké n'est donc nullement une société égalitaire sans État. Une certaine démocratie règne au niveau du village mais nous avons affaire à une société de tradition monarchique, divisée en groupes sociaux hiérarchisés et en castes.

Chez tous les peuples de la région, le système de parenté est la clé de voûte du système social. Celui des Dans et des Wè est intéressant à analyser car toutes les structures, les idéologies et les relations institutionnelles y trouvent leur fondement.

La famille ou le groupement en tant qu'unité de fonctionnement socio-économique repose sur une forte solidarité, solidarité imposée d'abord par les contingences de défenses extérieures et ensuite par celles de survie et de reproduction. Le « communautarisme » économique marque tous les termes des rapports entre partenaires du groupe familial. D'abord le mari, ses épouses et ses enfants exploitent le même champ. Le fils est très proche du père puisqu'il est amené à prendre un jour sa place. et ce fait, leurs intérêts sont confondus et ils forment une seule et même unité de production et de consommation.

La production et l'accumulation de la richesse sont largement fonction directe de la reproduction puisqu'elles reposent essentiellement sur la force de travail. La descendance est donc considérée comme le fondement de la richesse. Cela entraîne incontestablement une politique démographique fortement nataliste. L'une des stratégies fondamentales du jeu social consiste donc à capitaliser le maximum de femmes et d'enfants d'où l'importance de l'échange matrimonial qui apparaît comme un « phénomène social total » c'est-à-dire de premier ordre.

En effet, l'échange matrimonial apparaît comme le nerf de toute activité non seulement sociale mais également économique et politique du groupe. L'acquisition d'une femme est un acte qui engage le lignage tout entier et c'est par cet acte que le lignage multiplie ses alliances, exprime sa richesse et établit son prestige. L'enjeu du mariage est donc la constitution de Groupements de parenté très larges, la multiplication et la diversification des alliances en vue de faire face à une donnée sociale structurelle la guerre. La femme, l'instrument de cet objet, occupe de ce fait une place privilégiée dans la société. Par ses fonctions de procréatrice, la femme constitue la richesse par excellence, une richesse à capitaliser d'où l'importance de la polygamie.

Afin d'assurer à tous de meilleures conditions de vie, de sécurité et prospérité et préserver tant le groupe que l'individu de ce qui pourrait constituer une entrave à un développement harmonieux, la société a établi au fil des générations et au gré des événements, un ensemble de prescriptions à respecter. Les contraintes sociales, au lieu d'être relativement faibles puisque nous sommes dans les sociétés égalitaires, non centralisées, se révèlent au contraire lourdes.

2.1- Un code d'interdits très strict

On distingue plusieurs types d'interdits correspondant en général aux principaux paliers de l'organisation sociale

- les interdits de tribu ou de groupe,

- les interdits de village,

- les interdits de clan,

- les interdits de lignage,

- les interdits individuels.

Les interdits sont multiples et variés allant de conventions sociales (interdictions de piler ou de pleurer la nuit ... ) aux prohibitions alimentaires à portée culturelle. Les prohibitions alimentaires concernent généralement un animal (animal totémique) qui, selon les traditions a rendu un service éminent au groupe ou à la famille à un moment donné de l'histoire.

Les interdits de tribu ou de village sont liés aux seuls cadres géographiques qui définissent ces communautés. Les interdits de clan et de lignage par contre se transmettent, comme l'appartenance clanique, en ligne agnatique. Les enfants sont tenus de respecter l'interdit du père et non de la mère. Cette dernière doit adopter l'interdit de son mari.

Le totémisme n'est pas particulier aux populations de l'Ouest, on le trouve chez toutes les ethnies du pays ; mais ici, il est très développé et a encore une portée sociale considérable. Il est par exemple interdit de se marier entre personnes observant le même interdit ; ce qui réduit de manière sensible la sphère des mariages possibles. Par ailleurs, il plonge l'individu dans un état traumatisant d'autant plus que la transgression d'un interdit donne prise aux forces du mal et particulièrement aux interventions des sorciers avec au bout une maladie et peut-être la mort.

2.2- Une éducation spartiate

L'éducation traditionnelle concerne essentiellement l'apprentissage de la vie, particulièrement la connaissance et l'apprentissage des difficultés de la vie. Elle n'est pas institutionnalisée mais se fait à l'initiative et sous les directives des seuls parents. L'éducation consiste essentiellement en un art de, vivre au sein de la société. Elle précise les rôles et les, attributions sociales de chacun des sexes. Très vite, le jeune homme est obligé de travailler pour apporter une contribution au foyer. Il doit savoir défricher, créer une plantation, être capable de grimper au palmier à huile, être apte à monter la toiture d'une maison.

Mais avant d'être membre à part entière de la société, l'enfant est d'abord soumis à un rite d'identification, qui par la cérémonie d'imposition du nom lui ouvre les portes de la communauté; ensuite à un rite d'initiation qui à l'issue d'une épreuve physique (circoncision et excision) lui donne pleinement accès à la\ vie sociale. Ce qui caractérise cette initiation c'est qu'elle se traduit en des épreuves physiques d'endurance et comporte un ensemble d'enseignements aux choses de la vie. Refuser donc de subir cette épreuve est considéré comme une déchéance, une honte et un déshonneur pour la famille. Etre traité de non-circoncis est ainsi la plus grave des insultes. Accepter par contre l'initiation, c'est faire preuve d'une maturité à la fois morale et physique qui montre l'aptitude du jeune homme ou de la jeune fille à affronter les difficultés de la vie.

C'est donc une éducation qui magnifie la force et le courage. Dans une société où les relations d'hostilité, latentes ou ouvertes, entre groupements étaient quasi permanentes et où la guerre était considérée comme un moyen normal de règlement des conflits, la référence physique (notamment la force), permettait l'accès direct a puissance. Il est significatif à cet égard de souligner à quel point la force et le courage sont valorisés socialement à travers « les guerriers » d'autrefois : de nombreuses chansons existent, glorifiant leurs hauts faits.

Ainsi les différents jeux et sports (courses, luttes, danses ... ) ont pour objet de mettre en valeur, les aptitudes physiques, mais aussi l'habileté et la persévérance des individus. On comprend encore pourquoi le rapt de femme était particulièrement à l'honneur. Enlever une fille par la force, c'était faire preuve de courage et de virilité et c'était un acte qui ne suscitait qu'approbation et admiration. La guerre qui en résultait apparaissait à la limite comme une sorte de véritable «jeu social » car tout le monde cherchait à se distinguer et à être « guerrier ».

Ce schéma mental a facilité. dans la région, durant la colonisation, les opérations d'enrôlement militaire pour les besoins de la première et de la deuxième guerres mondiales. L'engouement pour se porter « volontaire » est devenu encore plus fort lorsque les individus eurent compris l'énorme avantage qu'ils avaient à être pensionnés au bout de leur temps de service. Le phénomène des « anciens combattants » s'est généralisé ainsi à la fin des années 20 avec le retour au pays des premiers retraités.

2.3- Une vie religieuse et mystique intense

Dans la société Dan et Wè, la vie est toute empreinte d'une soumission totale aux mânes des ancêtres et aux génies, puissances surnaturelles dotées d'immenses pouvoirs et censées détenir le destin des hommes. Ces génies, incarnés par des masques, occupent les premières places du panthéon.

Pour «vivre bien», il faut s'attacher les services et les faveurs de maintes divinités. Le résultat est l'omniprésence du culte des masques assorti de nombreux interdits.

Ce culte des masques et les différents systèmes des interdits, d'éducation et de relations contribuent à des degrés et à des niveaux divers a 'fonder l'ordre et à maintenir la paix. Dans cette société marquée par la psychose de la guerre, la paix est une valeur sacrée et le contrôle de l'ordre social constitue le moteur principal des activités magico-religieuses.

Le masque, c'est d'abord et avant tout, quelque chose de secret, de divin, de non exposable et de non-explicable aux non-initiés. C’est un Esprit, une puissance médiatrice entre les forces de la nature et les hommes. Le masque est pour les Dan et les Wè ce qu'est le Pôro pour les Sénoufo. C'est dire que c'est un « fait social total » c'est-à-dire l'élément catalyseur, centripète vers lequel tendent toutes les actions rituelles, religieuses, sacrées et culturelles. Par la solidarité de ses structures, le culte des masques est presque une psychose. Il s'impose à tous et à tout. Nul ne peut réfuter les dires des masques et leur jugement est sans appel. Mais, l'initiation aux masques est réservée à un nombre restreint de personnes et est plus une contrainte pour la majorité.

Dans le domaine religieux, les masques jouent un rôle à la fois de protecteur et de propitiatoire. Leur fonction de protecteur, ils l'exercent par l'intermédiaire de multiples «médicaments» et «fétiches» : protection de la maladie, de la sorcellerie, du désordre social etc. Leur fonction de propitiatoire, ils l'assurent en tant que médiateurs entre le monde des génies et la communauté des hommes. Ils interviennent notamment dans les rites de conjuration des puissances chthoniennes. Ils interviennent aussi dans les cérémonies d'initiation, dans les rites liés à la naissance et à la mort.

Au plan juridique, les masques règlent en dernière instance et en dernier recours, les litiges qui opposent les familles, les villages ou les tribus. Leurs décisions sont irrévocables.

Au plan politique, Les masques donnent des directives aux «sages» pour la saine gestion de la communauté. Ils assurent la sécurité des villages et se chargent d'informer les villageois sur les grandes orientations et les stratégies du système politique traditionnel.

Au plan économique, les masques veillent au bon déroulement des semailles et des récoltes. Ils interviennent pour conjurer les puissances chthoniennes afin de prévenir ou arrêter les calamités naturelles qui peuvent bouleverser les données de la vie agricole et menacer par conséquent, la survie de la communauté.

Dans le domaine ludique enfin, les fêtes et jeux populaires voient encore les masques apporter leur concours aux hommes par la danse, le chant, les jeux et les courses.

On distingue plusieurs types de masques selon leur fonction.

1- Les masques sacrés : ce sont les plus importants dans le panthéon car ils abritent l'esprit d'ancêtres particulièrement puissants ou une divinité de premier plan. Ils ne se manifestent pas au public de façon vulgaire. Ils sont tenus en profond respect et ne sortent que pour des grandes occasions. Leurs décisions s'imposent à tous et aux autres masques.

2- Les masques guerriers : leur existence n'est pas fortuite. Elle est même logique dans une telle société marquée par la psychose de la guerre. Ils sont extrêmement vénérés car ils incarnent la force, la puissance et le courage des ancêtres guerriers. Leur présence éveille et maintient le patriotisme. Autrefois, en cas de guerre, c'est à eux qu'on recourait pour les stratégies et plans d'attaque.

3- Les masques de réjouissance : l'Ouest de la Côte d'Ivoire est réputé pour ses artistes danseurs, jongleurs, sculpteurs, charmeurs de serpents, etc. Les masques de réjouissance ont contribué à établir cette réputation flatteuse. Leur rôle est de créer l'ambiance, amuser le public et faire oublier les soucis. Ils sortent à l'occasion des fêtes (baptêmes, mariages, circoncision ... ) et autres cérémonies rituelles (intronisations, fins de récolte...) ils se distinguent des autres masques par leur belle esthétique.

4- Les masques gendarmes : ils sont commis au service d'ordre ou à la surveillance de certains services d'utilité publique.

Comme on le constate, les masques imprègnent profondément la vie des individus. La soumission totale au sacré et au mystique fait que les individus ne se sentent pas entièrement responsables des initiatives qu'ils prennent, des travaux qu'ils réalisent ni des résultats qu'ils escomptent. Il y a comme une dilution du sens de la responsabilité du plus grand nombre au profit d'une minorité initiée (vieux sages et interprètes masques) qui utilise à l'évidence, l'ascendant moral considérable des masques pour maintenir leur autorité et leurs prérogatives.

Le résultat est qu'on se trouve en face d'une société presque figée :

- figée au premier niveau par la psychose de la guerre : l'organisation sociale l'atteste : forte structuration de la société, contrôle social contraignant, éducation spartiate, alliances recherchées et entretenues avec soin, équilibre coopératif entre groupe, etc. L'occupation et l'organisation de l'espace ne sont pas en reste. Elles sont quasi militaires : dispersion de l'habitat (autrefois au sommet des montagnes, aujourd'hui dans les plaines et vallées ... conception même de l'habitat en termes de «repli défensif » (cases rondes à toit conique descendant jusqu'au sol, ouverture minuscule en guise d'entrée, aucune fenêtre)

- figée au second niveau par des structures et institutions qui ne favorisent pas l'initiative individuelle. En effet, au niveau de la famille, l'organisation du pouvoir ne permet que rarement l'émancipation de l'individu. Elle a pour particularité de prolonger la minorité des femmes et des jeunes ; ceux-ci restent sous une perpétuelle tutelle. La possibilité de commander est l'apanage des «vieux» et le privilège soigneusement gardé d'une oligarchie.

Pour atténuer le poids de cette organisation institutionnelle et se donner une compensation, l'individu jette son dévolu sur les fraternités ou groupes associatifs au sein desquels l'anonymat permet de s'assumer pleinement. Les associations de travail sont ainsi une institution en pays Yacouba.

Au terme de cette analyse une réalité s'impose : Le poids des traditions est encore important en pays Dan et Wè. Par des structures de contrôle assez rigides, les populations ont réussi à préserver leur patrimoine culturel au fil des ans. Les données du relief et le poids de ses traditions ont donné à la Région de l'Ouest une personnalité particulière en Côte d'Ivoire. Son complexe montagneux en a fait un monde peu connu et plein de mystère.

Mais ce qu'il faut souligner, c'est que les structures traditionnelles ne favorisent pas l'initiative individuelle. Le développement moderne de la région s'en ressent aujourd'hui. L'Ouest fait figure de la région forestière la moins riche et la moins développée du pays. Et pourtant, elle possède maints atouts que certaines régions n'ont pas ou n'ont plus: sols riches, abondance de' l'eau, population dense, potentialités touristiques énormes, etc.
Bonjour à tous et à toutes je suis Jean Moïse, je suis étudiant en sociologie à l'université de Cocody Abidjan et je voudrais par le bias de ce blog partager des connaissances avec tous les amoureux de la sociologie.