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jeudi 6 mai 2010

Durkheim et le fait social



Eschstruth
Ian  SOCIO 2 - Théories sociologiques


(travail
réalisé Sébastien et Anne)  29/10/2003






Durkheim
et le fait social



 



Sommaire


Introduction


Partie 1.
Définir le fait social



  • La nécessité de définir le fait social

  • Le fait social et la notion de contrainte


Partie 2. Règles et méthodes utilisées pour étudier les faits sociaux


  • La statistique

  • La nécessité de se débarrasser de ses prénotions

  • La nécessité de rejeter ses passions

  • La nécessité d'aller aux origines des faits
    sociaux


Partie 3. Un exemple de fait social : le suicide

Conclusion


 



 


 


(® Manque à cet exposé l'idée de Durkheim
qu'il faut « expliquer le social par le social »)


 


 


 


 


 


Introduction


 


 


 


Les influences de Durkheim
étudiant.
Emile Durkheim est né le
15 avril 1858. Il fait des études brillantes au lycée d'Epinal. Il
intègre l'Ecole Normale Supérieure en 1879, où il sera influencé
par les enseignements de l'historien Fustel de Coulanges et du philosophe
Emile Bertoux. Le premier le sensibilise à l'histoire comparative des
institutions, l'analyse méthodique des faits et le contrôle critique
des sources. Le second lui transmet l'idée que chaque science doit
expliquer les phénomènes qu'elle étudie selon des principes qui lui
sont propres.


Le parcours universitaire de
Durkheim.
En 1882, Durkheim obtient
l'agrégation de philosophie ce qui le conduira à être nommé professeur
de philosophie dans différents lycées.


Ses principales publications. class="Standard__Char" style=" font-weight: normal;
font-style: normal;"> Avec Les règles de la méthode
sociologique
(1895), Durkheim veut asseoir
la légitimité scientifique de la sociologie en codifiant la démarche
mise en œuvre dans
De la division du travail
social
(1893) ; en même temps, il annonce la méthodologie
qui sera suivie dans
Le suicide (1897).


Il fonde en 1898, class="Standard__Char" style=" font-weight: normal;">La revue sociologique pour développer la sociologie
et étendre son territoire sur les autres disciplines concurrentes :
l'histoire, le droit et la psychologie.


En 1902, il obtient une chaire
à la Sorbonne.


 


Dans Les règles de la méthode
sociologique
, Durkheim définit le fait
social qui est, selon lui, l'objet d'étude spécifique de la sociologie.
En quoi cet ouvrage est-il fondateur de la sociologie ? Pour tenter de
le comprendre, nous verrons dans un premier temps, comment Durkheim
définit le fait social ; dans un deuxième temps, nous nous intéresserons
aux méthodes utilisées par Durkheim pour étudier le fait social ;
et, enfin, dans une dernière partie, nous aborderons un exemple de
fait social étudié par Durkheim : le suicide.


 


 


 


Partie 1 :


Définir le fait social


 


 


 


 


I) La nécessité de définir le fait social


1) Approche épistémologique


Définir
le fait social pour définir la sociologie.
En
écrivant
Les
règles de la méthode sociologique
,
Durkheim cherche avant tout à définir ce qu'est la sociologie. Et,
définir la sociologie revient à définir son objet d'étude, à savoir
le fait social. Au cours de sa démonstration, Durkheim va donc montrer
que le fait social a une existence propre et proposer des outils permettant
de le mettre en évidence. Sa définition du fait social répond donc
à une nécessité : celle de valider sa science.


Une
définition dans la lignée du positivisme.
Il
est utile de préciser que Durkheim présente la sociologie comme appartenant
au courant positiviste. (Ce courant, fondé par Auguste Comte, a pour
vocation d'unifier les sciences en une seule discipline.) Cela explique
qu'il emprunte des termes à d'autres sciences. (Il utilise, par exemple,
une métaphore biologique pour comparer les différentes professions
d'une société aux organes d'un être vivant.) Mais l'appartenance
de Durkheim au courant positiviste explique aussi (et surtout) sa volonté
d'expliquer le fait social d'un point de vue mathématique, nouveauté
que l'on doit à ce courant de pensée.


Découvreur
ou inventeur du fait social ?
Dans
une optique épistémologique, on pourrait se demander si Durkheim n'est
pas l'
inventeur plutôt
que le
découvreur class="Standard__Char" style=" font-weight: normal;
font-style: normal; text-decoration: none;"> du fait social. En effet,
en faisant apparaître ce terme, il modifie la perception qu'ont les
hommes de la société dans laquelle ils évoluent et, par là même,
contribue à la faire évoluer. Les penseurs du XIX
e siècle
pensaient surtout la société comme un objet économique. Avec la notion
de fait social, ils vont maintenant pouvoir concevoir le réel de manière
« sociologique ».


 


2) Délimitation du champ d'étude


Une
science distincte des sciences existantes.
Pour
être reconnue, la science que veut créer Émile Durkheim doit se montrer
indépendante des disciplines existantes. En définissant le fait social,
Durkheim cherche donc à marquer cette distinction de manière claire
et précise. Tout d'abord, il montre l'incapacité des autres sciences
à pouvoir expliquer ce qu'est le social. Ainsi, la biologie ne s'intéresse
à l'individu que sous son aspect physiologique. La psychologie, pour
sa part, étudie les comportements et les pensées, mais indépendamment
du contexte social qui les fait vivre. L'économie, enfin, ne s'intéresse
qu'à des comportements bien précis des individus : ceux d'acteurs de
la vie économique (producteurs, consommateurs...). Une science étudiant
spécifiquement les faits sociaux peut donc exister... Et, puisqu'elle
peut exister, Durkheim se propose de la faire exister.
class="footnote_0020reference__Char">1


class="Normal__Char">Etudier les faits sociaux pour comprendre la société. class="Normal__Char" style=" font-weight: normal; font-style: normal"> Une fois montré le besoin de constituer la sociologie en tant que
discipline, Durkheim va définir son objet d'étude : le fait social.
C'est par lui qu'il va être possible de comprendre la société. Cette
société est celle des comportements sociaux - collectifs - des individus.
Il s'agit d'étudier ces comportements de manière tout à fait objective,
par l'observation et l'analyse des faits sociaux. Les faits sociaux
et la société sont donc étroitement liés, l'un allant de pair avec
l'autre, et l'un permettant l'étude de l'autre.


 


 


II) Le fait social et la notion de contrainte


1) Présentation du fait social


class="Standard__Char">Le fait social est le résultat de normes. Durkheim dit qu'« est fait
social toute manière de faire [...] susceptible d'exercer sur l'individu
une contrainte extérieure » (p. 14
class="footnote_0020reference__Char">2 class="Normal__Char">). Cette « manière
de faire » est le résultat des normes qui ont été adoptées par une
société. Durkheim prend bien soin de préciser que le fait social
ne correspond qu'à ce qu'il y a de commun dans une société
et qui est induit par elle. Ainsi, le fait de manger
n'est pas induit par la société mais répond à un besoin physiologique ;
ce n'est donc pas un fait social. En revanche, les habitudes alimentaires
ou les manières de manger sont incluses dans la définition. Ces faits
sociaux sont dictés par la société (dans son acception la plus large,
ce qui inclut les institutions religieuses, juridiques, législatives
qui en sont les principales créatrices).


class="Normal__Char">Le poids de la contrainte (et la condamnation de la déviance par
la société).
Les faits sociaux normatifs
se caractérisent par le fait qu'on ne les ressent (et donc ne les perçoit)
que lorsque nous tentons de nous y soustraire. On ne prend conscience
de la manière dont on se comporte en société, des codes que l'on
suit, etc. qu'à partir du moment où on ne les respecte pas : « les
rires que je provoque, l'éloignement où l'on me tient » ou encore
les peines auxquelles on me condamne « réagissent contre moi de manière
à empêcher mon acte » (pp. 4-5). Notons que, à l'heure où l'on parle
de « village planétaire », la donne a peut-être un peu changé dans
le sens où nous serions un peu moins ethnocentristes, et que nous pouvons
donc avoir conscience plus facilement que nos « manières de faire »
ne sont pas les seules possibles. Il n'empêche que, dans nos sociétés
occidentale, les déviants sont toujours l'objet de critiques, de moqueries,
voire de condamnations pénales, ce qui montre que la contrainte normative
reste une réalité très prégnante.


class="Normal__Char">Le cas du « courant social ». Si le fait social est souvent
le fait d'une organisation sociale bien définie, avec ses règles et
ses lois, il peut aussi se manifester à l'occasion de rassemblements
plus informels d'individus. Cette variété spéciale de « faits sociaux »
est qualifiée par Durkheim de « courants sociaux » (pp. 6-7). Dans ces
mouvements de foule, les individus peuvent avoir des comportements qui
les dépassent et qui peuvent même aller à l'encontre de leur nature
class="footnote_0020reference__Char">3 class="Normal__Char">. Il s'agit bien toujours
d'un fait social dans le sens où le comportement individuel est là
encore dicté par une contrainte venant de la collectivité.


 


2) Le processus d'intériorisation


Perpétuation des faits sociaux
par la socialisation.
Après avoir défini le
fait social, Durkheim présente la manière dont s'effectue l'intériorisation
des normes sociales par les individus. Bien que le terme n'ait pas encore
été inventé lorsqu'il écrit
Les règles de la méthode
sociologique
, on peut néanmoins parler
de « socialisation ». Selon Durkheim, c'est au cours de l'enfance que
sont apprises les normes de la société : « toute éducation consiste
dans un effort continu pour imposer à l'enfant des manières de voir,
de sentir et d'agir auxquelles il ne serait pas spontanément arrivé »
(p. 7)
class="footnote_0020reference__Char">4 class="Normal__Char">. C'est donc ainsi que
la société perpétue les normes sociales et par conséquent, les faits
sociaux.


class="Normal__Char">Le devenir des normes chez l'individu une fois le processus de socialisation
achevé.
Les faits sociaux sont présentés comme des
normes généralisantes : c'est-à-dire que nous les perpétuons nous-mêmes
étant donné que nous les subissons sans même nous en rendre compte.
Il y a une forme de consensus inconscient concernant ces normes. La
société en est donc le vecteur, puisque, une fois intégrées, elles
sont perpétuées par les individus eux-mêmes. Ces normes tendent à
rester cohérentes et à se maintenir du fait de leur pouvoir coercitif.
Cette coercition empêche les individus de sombrer dans la déviance.
Nous l'avons vu dans le paragraphe précédent : les individus qui voudraient
s'écartent des normes sont ramenés dans le "droit chemin"
par la collectivité.


class="Normal__Char">Les normes contre l'anomie. Malgré toutes ces considérations
(qui peuvent paraître négatives), Durkheim ne considère pas la contrainte
comme mauvaise en soi, bien au contraire. C'est elle qui permet à la
communauté d'être soudée et qui évite ce qu'il appelle l'« anomie »,
c'est-à-dire, justement, la désorganisation sociale résultant de
l'absence de normes communes dans une société.


class="Normal__Char">Qui impose les normes ? Durkheim découvre le fait
social normatif, puis explique la manière dont il est intériorisé
par les individus (et donc dont il se transmet de génération en génération).
Mais il ne propose pas réellement d'explication sur l'origine de ces
normes. Plusieurs sociologues, après Durkheim, se sont posé la question.
C'est le cas d'Howard Becker. Pour lui, les normes sont créées et
imposées par les classes dominantes : « [Il] y a toujours [...] des
gens qui
imposent de force leurs normes à d'autres,
les appliquant plus ou moins contre la volonté ou le consentement de
ceux-ci. Par exemple, ce sont en général les adultes qui élaborent
les normes concernant les jeunes. [...] De même, il est à plusieurs
égards exact que, dans nos sociétés, ce sont les hommes qui élaborent
les normes pour les femmes [...]. Les Noirs se trouvent soumis aux normes
faites pour eux par les blancs, comme les immigrés et les autres minorités
ethniques le sont aux normes faites pour eux par la minorité anglo-saxonne
protestante. Les classes moyennes élaborent des normes auxquelles les
classes populaires doivent obéir, dans les écoles, les tribunaux et
ailleurs. [...] Les groupes les plus capables de faire appliquer leurs
normes sont ceux auxquels leur position sociale donne des armes et du
pouvoir »
class="footnote_0020reference__Char">5 class="Normal__Char">. Bourdieu et Passeron
développeront, sept ans plus tard, cette idée de domination d'un groupe
(les « dominants ») sur un autre (les « dominés »). Mais avec une différence
de taille : Pour eux, cette domination n'est pas uniquement faite par
la force ; elle résulte d'une coopération du « dominé » qui prend
part de son propre mouvement à son asservissement : c'est ce qu'ils
appellent la « violence symbolique ».


 


 


Après avoir défini le fait social, Durkheim va s'attacher à énoncer
des règles et des méthodes pour étudier les faits sociaux. C'est
ce que nous allons examiner dans notre seconde partie.


 


 


 


 


Partie 2 :


Règles et méthodes utilisées pour étudier
les faits sociaux


 


 


 


 


Plusieurs règles et méthodes sont avancées par Durkheim. Nous en
retiendrons quatre : l'utilisation de la statistique, la nécessité
de se débarrasser des prénotions, la nécessité de se débarrasser
de ses passions et, enfin, la nécessité de remonter aux origines des
phénomènes sociaux pour pouvoir les expliquer.


 


 


I) La statistique


Mettre en évidence les faits
sociaux (c'est-à-dire les séparer de leurs incarnations individuelles)
grâce à la statistique.
Durkheim remarque que, au
premier abord, il n'est pas toujours facile de séparer les faits sociaux
(tels que la natalité, le mariage ou le suicide) de la manière dont
ils se manifestent dans tout un ensemble de cas particuliers. Il poursuit :
« Mais la statistique nous fournit le moyen de les isoler. Ils sont,
en effet, figurés, non sans exactitude, par le taux de la natalité,
de la nuptialité, des suicides [...]. Car, comme chacun de ces chiffres
comprend tous les cas particuliers indistinctement, les circonstances
individuelles qui peuvent avoir quelque part dans la production du phénomène
s'y neutralisent mutuellement et, par suite, ne contribuent pas à le
déterminer » (
Les règles de la méthode class="Standard__Char" style=" font-weight: normal;
font-style: normal;">, pp. 9-10). C'est dans la même optique que le
statisticien belge Quételet écrivait, une soixantaine d'années plus
tôt : « plus le nombre des individus que l'on observe est grand, plus
la volonté individuelle s'efface et laisse prédominer la série des
faits généraux »
class="footnote_0020reference__Char">6 class="Normal__Char">. Aujourd'hui, étudier
des phénomènes grâce à des taux nous paraît banal. A l'époque
de Durkheim, ce n'était pas si courant. Durkheim sera par exemple le
premier à établir des taux de suicide.


class="Normal__Char">Les « variations concomitantes ». Si les taux de natalité,
de nuptialité et de suicides suffisent à prouver l'existence de faits
sociaux, il faut cependant aller plus loin dans l'analyse statistique.
C'est ce que Durkheim fait avec l'étude des « variations concomitantes ».
Les variations concomitantes sont ce que l'on appelle aujourd'hui des
« corrélations » entre des variables. Elles permettent d'identifier
les causes du phénomène observé. Par exemple, en calculant le taux
de suicide et en le faisant varier en fonction de l'âge, Durkheim se
rend compte que le suicide augmente de manière régulière au fur et
à mesure que la population devient plus âgée. Une telle constatation
est bien la preuve qu'il existe, au-dessus de chacun des cas particuliers,
un phénomène d'ordre social qui pousse les personnes les plus âgées
à se suicider plus que les jeunes. En étudiant toute une série de
variations concomitantes, le sociologue est alors à même de proposer
des explications du phénomène. Nous reviendrons plus en détail sur
les explications du phénomène du suicide dans la troisième partie
de notre exposé.


 


 


II) La nécessité
de se débarrasser de ses prénotions


La statistique est une des méthodes essentielles avancées par Durkheim
pour détecter et analyser les faits sociaux. En plus de cette méthode,
il estime qu'il y a des règles à respecter. La première est de se
débarrasser de ses prénotions.


Qu'est-ce qu'une « prénotion » ? class="Standard__Char" style=" font-weight: normal;
font-style: normal;"> Durkheim définit les prénotions comme des « représentations
schématiques et sommaires [...] dont nous nous servons pour les usages
courants de la vie » (p. 19). Ce sont des « fausses évidences » (p. 32)
qui, à force d'être « répétées » (p. 19) finissent par être considérées
comme des réalités sociales. Dit encore autrement, les prénotions
sont des préjugés, des idées que l'on se fait de la réalité sociale,
mais qui ne sont pas la réalité sociale elle-même.


Un emprunt au philosophe anglais
Roger Bacon.
Durkheim emprunte ce terme
au théologien et philosophe anglais du XIII
e siècle, Roger
Bacon. Bacon est qualifié par le dictionnaire
Le Robert de « précurseur de la pensée
moderne ». Il insistait en effet sur la nécessité « de ne pas s'en
remettre uniquement à l'autorité mais à l'expérience » et, justement,
de remettre en question les prénotions.


Exemples de prénotions. class="Standard__Char" style=" font-weight: normal;
font-style: normal;"> Durkheim ne donne pas vraiment d'exemples concrets
de prénotions
class="footnote_0020reference__Char">7 class="Normal__Char">. Il indique cependant
qu'elles n'épargnent personne, pas même les « penseurs » de son époque.
« Non seulement elles sont en nous,
écrit-il, mais, comme elles sont un produit d'expériences
répétées, elles tiennent de la répétition, et de l'habitude qui
en résulte, une sorte d'ascendant et d'autorité » (p. 19). Puisque
les prénotions n'épargnent personne, on peut supposer qu'elles n'épargnent
pas Durkheim lui-même. En relisant
De la division du travail social, publié deux ans plus tôt, on peut en effet
relever des propos qui semblent pouvoir être qualifiés de prénotions.
Durkheim écrit, par exemple : « qui a vu un indigène les a tous vus
[...]. Au contraire, chez les peuples civilisés, deux individus se
distinguent l'un de l'autre au premier coup d'œil »
class="footnote_0020reference__Char">8 class="Normal__Char">. Il s'agit ici d'une
affirmation semblant relever plus de l'idéologie colonialiste de l'époque
que d'une vérité scientifiquement démontrée. Prenons un autre exemple.
Durkheim écrit, toujours dans le même livre : « [...] il n'y a qu'à
comparer l'ouvrier avec l'agriculteur ; c'est un fait connu que le premier
est beaucoup plus intelligent »
class="footnote_0020reference__Char">9 class="Normal__Char">. Si ce genre de propos
ferait aujourd'hui bondir la majorité des intellectuels (Terrail le
premier
class="footnote_0020reference__Char">10 class="Normal__Char">), c'est sans doute
plus parce qu'on est, en quelque sorte, à "l'ère du relativisme
culturel" que parce que cette affirmation est scientifiquement
fausse. Il n'empêche que l'affirmation de Durkheim ne se base visiblement
sur aucune étude sérieuse : écrire qu'il s'agit d'« un fait connu »
montre bien que la seule "preuve" dont Durkheim dispose est
qu'elle est communément admise par la population.


class="Normal__Char">Durkheim s'en prend aux penseurs en sciences sociales. class="Normal__Char" style=" font-weight: normal; font-style: normal"> Durkheim, on l'a évoqué, s'attaque aux intellectuels (aux « penseurs »)
en sciences sociales de son époque. Il ne s'en prend à eux ni de manière
frontale ni nommément, mais sa critique n'en est pas moins forte. Il
leur reproche de ne travailler qu'à partir de prénotions. Pour Durkheim,
la manière dont on étudie le social à la fin du XIX
e siècle
est un peu l'équivalent des méthodes qu'utilise l'astrologie par rapport
à celles de l'astronomie, ou encore de l'alchimie par rapport à celles
de la chimie (p. 17). Autrement dit, la façon dont on pense le social
n'est pas du tout scientifique ; les intellectuels qui s'intéressent
à la société confondent la réalité sociale avec les idées communément
admises sur cette réalité sociale. Et, puisque ces intellectuels utilisent
les prénotions comme s'il s'agissait de vérités, ils ne prennent
donc pas la peine d'étudier réellement les « faits sociaux ». Ils
se contentent alors, en général, de réfléchir sur la manière dont
on pourrait améliorer le social, mais sans jamais étudier les phénomènes
sociaux eux-mêmes : « La réflexion est ainsi incitée à se détourner
de ce qui est l'objet même de la science, à savoir le présent et
le passé, pour s'élancer d'un seul bond vers l'avenir. Au lieu de
chercher à comprendre les faits acquis et réalisés, elle entreprend
immédiatement d'en réaliser de nouveaux, plus conformes aux fins poursuivies
par les hommes » (p. 17).


class="Normal__Char">Lutter contre les prénotions. Une fois ce constat établi,
on aura compris que Durkheim insiste sur la nécessité de lutter contre
les prénotions : « Il faut écarter systématiquement toutes les prénotions »,
écrit-il (p. 31). « Elles sont, [en effet], comme un voile qui s'interpose
entre les choses et nous et qui nous les masque d'autant mieux qu'on
le croit plus transparent » (p. 16). Pour lui, cette règle (écarter
les prénotions, douter de ce qui semble évident) est « la base de
toute méthode scientifique » (p. 31). Il se réfère d'ailleurs au « doute
méthodique » de Descartes : « Si, au moment où il va fonder sa science,
Descartes se fait une loi de mettre en doute toutes les idées qu'il
a reçues antérieurement, c'est qu'il ne veut employer que des concepts
scientifiquement élaborés [...] ; tous [les concepts] qu'il tient d'une
autre origine doivent donc être rejetés, au moins provisoirement »
(pp. 31-32). Durkheim insiste beaucoup sur cette idée de se débarrasser
des prénotions et de « déconstruire » le social (pour utiliser une
expression plus récente). Il écrit par exemple : « Il faut donc que
le sociologue [...] s'affranchisse de ces fausses évidences qui dominent
l'esprit du vulgaire, qu'il secoue, une fois pour toutes, le joug de
ces catégories empiriques qu'une longue accoutumance finit souvent
par rendre tyranniques » [p. 32].


 


 


III) La nécessité
de rejeter ses passions


Même si les prénotions constituent l'un des principaux dangers auquel
se trouve confronté le sociologue, il en existe d'autres, notamment
celui de la passion.


Traiter les faits sociaux « comme
des choses ».
Durkheim explique que les
phénomènes sociaux « doivent être traités comme des choses. [...]
Traiter des phénomènes comme des choses, c'est les traiter en qualité
de
data [= de « données »] qui
constituent le point de départ de la science » [p. 27].


Etudier les faits sociaux de
manière scientifique et non de manière passionnelle.
Durkheim remarque qu'il
est beaucoup plus facile de se passionner pour des faits sociaux (par
exemple des faits de natures religieuse ou politique) que pour des phénomènes
physiques : « Ce qui rend cet affranchissement particulièrement difficile
en sociologie, c'est que le sentiment se met souvent de la partie. Nous
nous passionnons, en effet, pour nos croyances politiques et religieuses,
pour nos pratiques morales bien autrement que pour les choses du monde
physique » (p. 32). Un sociologue qui étudie un phénomène en contradiction
avec sa manière de penser risque de refuser de soumettre certains faits
sociaux à l'examen scientifique ; ou, s'il le fait, il risque de ne
pas accepter les résultats qu'il aura obtenus (pp. 32-33). Mêler ses
opinions politiques ou religieuses à l'objet de ses recherches est
donc à proscrire. Le sociologue doit mettre les faits sociaux à distance.
Il doit se contenter de les considérer comme des simples « choses ».


 


 


IV) La méthode génétique :
aller aux origines des faits sociaux


Aller aux origines des faits
sociaux.
Outre la statistique, une
autre méthode énoncée par Durkheim pour étudier un fait social est
la méthode génétique. Elle consiste à remonter à l'origine des
phénomènes afin de pouvoir les expliquer. Durkheim reproche en effet
aux penseurs du XIX
e siècle de chercher uniquement des remèdes
au lieu de chercher des explications (p. 17). Pour sa part, il adopte
une démarche à peu près inverse puisqu'il cherche à donner des explications
aux faits sociaux qu'il observe, mais en avançant rarement des idées
sur ce qu'il faudrait faire pour régler les problèmes de la société.


La méthode génétique appliquée
au fait religieux.
Quelques années après class="Standard__Char" style=" font-weight: normal;">Les règles de la méthode sociologique class="Standard__Char" style=" font-weight: normal;
font-style: normal;">, Durkheim utilise la méthode génétique dans class="Standard__Char" style=" font-weight: normal;">Les formes élémentaires de la vie religieuse class="Standard__Char" style=" font-weight: normal;
font-style: normal;"> (1912). Dans ce livre, il s'intéresse à ce
qu'il considère comme une forme originelle de la religion : le système
totémique en Australie. Etudier la source du fait religieux est un
des moyens pour comprendre le principe des religions actuelles. Son
travail l'amène à constater une division entre deux domaines : le « religieux »
(auquel font partie les initiés) et le « profane ». Dans un certain
sens, Bourdieu généralisera cette distinction religieux/profane à
l'ensemble des champs sociaux. Quel que soit le champ social considéré
(sportif, politique, universitaire...), on peut observer un clivage
entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, entre les dominants
et les dominés. Comme dans le système totémique, les premiers exercent
une violence symbolique (quasi religieuse) sur les seconds, ce qui leur
permet d'asseoir leur domination.


 


 


 


Partie 3 :


Un exemple de fait social : le suicide


 


 


 


 


A travers son étude du suicide, Durkheim oppose aux prénotions un
travail méthodique de recherche scientifique. Il commence par exposer
les préjugés associés au suicide, puis s'attache à les déconstruire
grâce aux statistiques, jusqu'à aboutir à l'objectivité du phénomène
étudié. Il étudie le suicide à travers l'espace et le temps afin
d'en connaître les variations, mais également afin d'en déterminer
les aspects universels.


 


Le rejet des prénotions sur
le suicide.
Pour commencer, Durkheim
se réfère aux prénotions : on explique habituellement le suicide par
des raisons psychologiques propres à chaque individu. Durkheim pourrait
étudier le suicide à partir de ces idées préconçues qui sont véhiculées
par le sens commun. C'est ainsi, constate-t-il, que beaucoup de penseurs
ont procédé et procèdent encore à son époque. Mais cela ne conviendrait
pas à une démarche scientifique. Il met donc en doute ces explications
et décide d'étudier le phénomène en utilisant des méthodes statistiques
afin de voir ce qu'il en ressortira.


 


L'utilisation de la statistique. class="Standard__Char" style=" font-weight: normal;
font-style: normal;"> Grâce à une simple addition des suicides, Durkheim
fait apparaître que tous ces actes apparemment individuels constituent
en fait un phénomène collectif régulier. La régularité du nombre
de suicides d'une année sur l'autre en fait un phénomène prévisible.
Et, puisqu'il y a prévisibilité, c'est que le suicide échappe à
la volonté individuelle et a des causes sociales. Le suicide répond
donc bien à la définition que Durkheim donne du fait social : « Est
fait social toute manière de faire [...] qui est générale dans l'étendue
d'une société donnée tout en ayant une existence propre, indépendante
de ses manifestations individuelles » (p. 14). Le suicide est, en effet,
une pratique qui est répandue dans toute la société, et qui est indépendante
de ses manifestations individuelles (il est un phénomène collectif
avant d'être un acte individuel). La statistique est donc le révélateur
de ce que le suicide est bien un fait social.


 


Le suicide vu comme une contrainte. class="Standard__Char" style=" font-weight: normal;
font-style: normal;"> Quelques calculs ont permis à Durkheim d'aboutir
à cette conclusion que l'individu qui met fin à ses jours n'est pas
totalement maître de son acte. Cela signifie donc qu'il est soumis
à des
contraintes qui lui sont extérieures.
C'est la société qui le pousse au suicide : « certains courants d'opinions,
class="Standard__Char" style=" font-weight: normal;">écrit Durkheim, nous poussent avec une
intensité inégale suivant les temps et les pays au suicide ». Par
exemple, lorsque les règles, les devoirs, les normes d'une société
vont dans le sens de la dévotion à cette société, les individus
peuvent aller jusqu'à se sacrifier pour elle. On est alors dans le
cas de ce que Durkheim appelle le « suicide altruiste ». Il est le plus
souvent commis dans les sociétés traditionnelles (sociétés où la
conscience collective est forte). Dans les sociétés industrialisées,
c'est le « suicide égoïste » que l'on rencontre le plus souvent : c'est
parce que les individus n'acceptent plus les normes (qu'ils jugent trop
contraignantes) qu'ils peuvent être amenés à se suicider. Mais, dans
les deux cas, c'est bien la société qui pousse les individus au suicide.


 


Les variations concomitantes. class="Standard__Char" style=" font-weight: normal;
font-style: normal;"> Une fois mises en évidence la régularité et
la prévisibilité du taux de suicide, Durkheim identifie plusieurs
facteurs explicatifs du phénomène. Il découvre des relations entre
le taux de suicide et cinq autres variables : l'âge, le sexe, l'état
civil, le lieu de résidence et les rythmes sociaux. Il arrive ainsi
à plusieurs résultats : le taux de suicide croît avec l'âge ; il est
plus fort chez les hommes ; il se commet plus souvent en été qu'en
hiver ; il augmente avec la taille de l'agglomération
class="footnote_0020reference__Char">11  class="Normal__Char">; il est plus élevé
chez les célibataires que chez les personnes mariées... Toutes ces
corrélations sont ce que Durkheim appelle des « variations concomitantes ».
Ce sont elles qui vont lui permettre de comprendre les causes profondes
du phénomène. C'est notamment la relation entre le taux de suicide
et l'état civil qui l'amène à proposer une explication générale
du suicide. Pour lui, c'est le manque d'intégration qui explique que
l'on mette fin à ses jours. Moins on est intégré dans la société
(et dans des différents groupes sociaux constituant la société),
moins on est protégé du suicide. Durkheim approfondit ensuite son
constat en démontrant que ce n'est pas le lien conjugal qui protège
du suicide mais surtout la famille. Plus la famille est de grande taille,
plus elle intègre et, par conséquent plus elle préserve du suicide.


 


 


 


 


Conclusion


 


 


 


On peut comprendre, au terme de cette étude, pourquoi Durkheim prend
grand soin d'expliquer ce qu'est le fait social : cela lui permet tout
d'abord d'asseoir la légitimité de la science qu'il est en train de
créer sur des bases claires et connues de tous. Les règles de la méthode
qu'il propose ensuite constituent une boîte à outils très utile (encore
aujourd'hui) pour les sociologues qui vont le suivre dans la voie qu'il
dessine. Durkheim montre d'ailleurs lui-même l'utilité de ces « règles »
en proposant une étude tout à fait nouvelle du phénomène social
qu'est le suicide. Par tous ces aspects, Durkheim apparaît bien comme
un des pères fondateurs de la discipline sociologique.


On pourrait, dans une perspective missaouiste, lui reprocher sa vision
selon laquelle les individus ne sont pas libres et agissent essentiellement
en fonction des normes qui leur ont été "dictées" par la
société. Mais, en défendant cette idée, ne serait-on pas là encore,
en tant qu'étudiants de sociologie, dans le cadre d'une contrainte
sociale ? En effet, n'est-ce pas la société (l'institution scolaire,
en l'occurrence) qui, par la voix de notre enseignante, a cherché à
nous inculquer cette idée que le déterminisme social durkheimien était
contestable et que les individus seraient essentiellement libres ?...


 


 



1
Durkheim n'est pas le premier à considérer la sociologie comme une
science à part entière. Selon Emile Littré (1801-1881), disciple
d'Auguste Comte, la sociologie est l'une des six sciences de la philosophie
positive (avec la mathématique, l'astronomie, la physique, la chimie
et la biologie). Mais c'est Durkheim qui contribuera à réellement
fonder la discipline telle qu'on la connaît aujourd'hui. En effet,
en 1884, la définition que pouvait en donner un dictionnaire encyclopédique
était assez éloignée de celle qu'on en donnera après lui : « La sociologie
constitue la théorie scientifique du développement de l'humanité. »
Dans le même ordre d'idée, Emile Littré regroupait « sociologie »
et « histoire » dans la même catégorie scientifique. (Dictionnaire français illustré et encyclopédie universelle class="Normal__Char" style=" font-style: normal;">, Dupiney de Vorepierre,
Calmann Lévy, 1884, article « positif, ive », p. 789)



2 Sauf indication
contraire, les références concernent Les règles de la méthode sociologique, 1895, PUF, 1996.



3
Pour donner un exemple puisé dans la culture légitime, notons que
le film Fury class="Normal__Char" style=" font-style: normal;"> (1936) de Fritz
Lang en donne une très bonne illustration.



4
Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron défendront aussi cette idée,
même si, à l'idée de « contrainte », ils préfèrent celle de « violence ».
Pour eux, en effet, l'action pédagogique est « une violence dont la
spécificité réside en ce qu'elle parvient à se faire oublier comme
telle » (Bourdieu Pierre, Passeron Jean-Claude, La reproduction, Minuit, Paris, 1970, p. 31-2). Le résultat du travail pédagogique
est la normalisation des comportements dans ce qui est alors appelé
l'« habitus » (
ibidem, pp. 46-47).



5 Becker Howard, class="Normal__Char">Outsiders class="Normal__Char" style=" font-style: normal;">, 1963, éd. Métailié,
1985, p.87



6
Lettre de Quételet à Villermé, 1832. Texte cité par Michèle Perrot,
dans sa communication au Colloque de Vaucresson (juin 1976) sur l'histoire
de la statistique, Pour une histoire de la statistique, Paris, INSEE, p. 125-137.



7 du moins, dans
les extraits qui nous ont été donnés à lire.



8 Durkheim, class="Normal__Char">De la division du
travail social
, 1893, PUF, 1998, p. 104



9 ibid., p. 256



10
Concernant les enfants, il écrit par exemple : « Quelles que soient
donc les compétences génériques que les élèves qu'elle accueille
ont commencé de s'approprier, l'institution scolaire trouvera chez
eux les ressources nécessaires pour les introduire à la maîtrise
des genres savants. » (Terrail Jean-Pierre, De l'inégalité scolaire, La Dispute, 2002, p. 213)



11
Cette constatation faite à l'époque de Durkheim n'est plus vraie aujourd'hui.
On se suicide maintenant plus dans les campagnes que dans les grandes
villes.






















1 commentaire:

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